La solution de la paille de seigle dans la construction

Depuis 2010, Jean-Luc Rodot,  agriculteur en Saône-et-Loire, exploite une parcelle de seigle de 25 hectares dont la paille est destinée à la fabrication de toits de Chaume. Retour sur les ficelles d’une technique ancestrale qui continue à être perpétuée. 

À l’origine, les parents de Jean-Luc Rodot cultivaient le seigle pour la qualité de sa paille destinée à l’importante chaiserie locale (usines de Rancy et de Bantanges) comme aux artisans empailleurs de la région parisienne. Le déclin progressif de la chaiserie et son report vers l’Italie les ont conduits à réorienter leur production de paille de seigle vers les toits de chaume et les chantiers des chaumiers du Nord, de l’Auvergne et de la Haute-Loire. 

Jean-Luc Rodot a repris l’exploitation familiale en 2010 et cultive depuis le seigle sur une parcelle de 25 hectares (ha) complétés par une petite parcelle de 5 ha prêtée par l’un de ses voisins. « Semé début octobre, le seigle est coupé vert fin mai, avant la formation du grain dans l’épi. C’est alors une vraie ficelle, très résistante. Notre récolte brute, de 80 à 90 tonnes de seigle, donnera lieu à une importante phase de triage manuel afin d’éliminer toutes les mauvaises herbes. Au final, les bottes de paille feront un diamètre de 30 cm sur une longueur utilisable de 160 à 170 cm, suivant les années. Elles approvisionneront les chaumiers qui étaient déjà les clients de mes parents », précise Jean-Luc Rodot. 

Une couverture végétale toujours performante 

« Autrefois, dans les campagnes, tout le monde avait son toit de chaume et était tenu de l’entretenir. C’est l’une des plus anciennes couvertures. Cultivé en abondance dans certaines régions (Auvergne, Limousin, Massif Central) du fait que sa farine était la nourriture de base d’une population nombreuse, le seigle était préféré au froment et à l’avoine pour recouvrir les maisons en raison de ses qualités de solidité et d’imputrescibilité », rappelle Armand Klavun, gérant de l’entreprise Art et Traditions du Chaume, à Monestier-Port-Dieu, en Corrèze et client de Jean-Luc Rodot à qui il achète une cinquantaine de palettes chaque année. 

Couvreur en chaume depuis 1985, Armand Klavun est aussi l’unique Maître d’art dans ce métier depuis 2015. Un titre décerné à vie par le ministre de la Culture et de la Communication pour sa maîtrise de la technique du lien de paille et la transmission de son savoir-faire. 

Maison bretonne en toit de Chaume
Maison bretonne en toit de Chaume | Ⓒ AdobeStock_364339070

Le toit de chaume conserve, au fil des années, ses qualités 

Le toit de chaume présente de nombreux avantages, qui en ont fait une valeur sûre pour de nombreuses charpentes depuis plusieurs siècles. Il est d’abord léger (25 kg/m² - en comparaison, le roseau est à 35kg/m²) et donc moins coûteux. Bien entretenu, il résiste au vent, à la grêle, et même aux fortes tempêtes, et pourra durer un demi-siècle. Enfin, c’est un bon isolant thermique, frais en été et chaud en hiver, et phonique, ce qui évite l’utilisation de tout autre matériau d’isolation au cours de la construction. 

Outre les toits de chaume, la paille de seigle trouve de nombreux usages dans les ruches, les paillons pour le maraîchage et les fromages... « La paille de seigle est également prisée dans la marqueterie où les brins seront conditionnés en botte de 500 g pour être ensuite passés à la teinture », précise Jean-Luc Rodot. 

« Lorsqu’on a commencé à cultiver des céréales avec des tiges plus courtes afin qu’elles ne versent pas, les chaumiers se sont tournés vers les roseaux aux tiges plus longues », précise Stéphane Jacques, maître-artisan chaumier à Genneville, dans le Calvados.­ La culture du seigle et du blé pour les toits de chaume a été progressivement abandonnée et l’approvisionnement s’est reporté sur les roseaux des marais de Normandie ou de Camargue notamment. 

« Aujourd’hui, cette production de paille de seigle mérite d’être reconsidérée et il est envisageable de créer une activité en amont de notre entreprise. C’est pourquoi nous recherchons en permanence des producteurs afin de répondre à la demande croissante de nos clients », conclut Armand Klavun.